mercredi 9 janvier 2013

Haibane Renmei - Analyse Anime

S'il existe encore des gens pour penser que la japanimation est un milieu stéréotypé et pervers, l'anime dont nous allons parler aujourd'hui pourrait bien les faire changer d'avis.
Fruit d'un subtile mélange de poésie fantastique et de psychologie existentielle, Haibane Renmei est notre sujet du jour.



Voici la structure de notre analyse :
  1. Introduction
  2. Un monde à découvrir
  3. Fond de critique sociale
  4. Au-delà de l'existence
  5. Conclusion

Introduction


Imaginer l'origine des anges. Telle était la motivation de Abe Yoshitoshi lorsqu'il dessina le doujinshi à l'origine de l'anime.
Produit par le studio Radix, celui-ci a été diffusé en 2002 et compte 13 épisodes.

L'histoire nous fait suivre les traces de Rakka, la nouvelle venue parmi la petite communauté d'Ailes Grises de l'Ancienne Demeure.
Propulsée au sein d'un monde dont elle ne sait rien, elle doit s'accoutumer à cette nouvelle vie assombrie par les mystères qui entourent ces êtres ailés.

Ce conte enchanteur plein d'innocence prenant place dans un univers hors du temps n'en est pas moins une œuvre abordant de fortes thématiques psychologiques et une critique sociale efficace de la société moderne.


Un monde à découvrir


Une grande partie du charme de Haibane Renmei réside dans l'univers qui nous est présenté. Une enclave intemporelle entourée d'un mur énigmatique, contenant une ville et ses campagnes environnantes.

Malgré la fermeture stricte de cet espace, c'est un ensemble de lieux symboliques et diversifiés auquels on a affaire. Tantôt en plaine, parfois en forêt, souvent en ville, cette région sans nom nous offre mille et un visages tous plus enchanteurs les uns que les autres tout en conservant un naturel sans faille.

Véritable nid de détails, il suffit d'un regard pour saisir la structure des lieux et s'y repérer par la suite. Le temple religieux rempli d'une dense flore, l'Ancienne Demeure et sa chambre d'ami,... tant de lieux que l'on a l'impression d'avoir visités tellement on les connait par cœur.


Face à ce monde d'une richesse incroyable, il ne nous vient qu'une seule envie : le parcourir de nos propres ailes.
Battre les sentiers sur un scooter, courir en faisant l'avion au milieu des éoliennes, parcourir la ville de long en large,... autant de rêves éveillés qui nous font presque souhaiter une adaptation vidéoludique.

Sans doute avons-nous là un puissant monde transmédiatique qui s'ignore, à la fois porteur d'une identité forte et d'un concept abouti. Gâchis ou volonté artistique, il reste que l'anime n'en devient que plus fort car on finit par se trémousser de plaisir à l'idée de plonger à nouveau dans l'anime, unique porte d'entrée de ce monde haut en couleurs.

Fond de critique sociale


Mêlant un peu de steam punk et de fantasy, cela reste un univers réaliste qui se propose à nous, notamment grâce à d'énigmatiques backgrounds folkloriques, historiques et religieux.
Un milieu que le spectateur comme l’héroïne va apprendre à découvrir à travers sa rencontre avec ses habitants et aux gré des événements qui jalonneront l'arrivée de l'hiver.

On y découvre une société qui a l'air de bien vivre, où les êtres humains cohabitent avec deux communautés d'Ailes Grises. Une relation bienséante en apparence mais qui laisse planer de subtiles malaises à travers les discussions et les codes.

Les Ailes Grises ne font en effet pas guise de quelconques divinités. Ni rehaussées, ni diminuées par rapport aux humains, ils n'ont tout simplement pas la même place que ceux-ci dans la société. Comme si le temps avait créé un accord tacite entre les deux communautés mais dont avait voulu entretenir les différences, comme pour mieux protéger les deux camps.

Une relation saine mais dans laquelle il existe toujours cette étincelle de communautarisme, éternelle source d'atrocité dans notre société à nous.
L'anime se joue de notre perception du racisme et nous tend de minuscules perches qui suffisent amplement à nous interroger sur la nature de cette relation.
Cette ségrégation existe aussi entre les deux communautés d'Ailes Grises qui sont liées à deux lieux différents et qui sont aussi divisées par un passé compliqué

À noter aussi l'obscurité qui entoure un groupement sectaire chargé de réguler les Ailes Grises : des individus qui sont seuls à pouvoir franchir le mur de l'interdit et dont les codes semblent liés aux ruines ancestrales.

Malgré tout, cet univers bien énigmatique ne livre jamais de réponse toute faites. Nous y vivons dans le présent et d'énormes pages du passé nous sont laissé sans réponse. Tout un monde rempli de questions mais qui ne nous distille que de simples éléments de réponses, nous laissant libres de nos interprétations.

L'anime entretient ainsi une atmosphère oppressante car malgré l'apparente innocence qui s'en dégage, on a l'impression que les coulisses regorgent d'histoires dérangeantes.

Au-delà de l'existence


La clé de cette atmosphère est la lecture propre qu'en fera le spectateur. L'apport des croyances et des préconçus de ce dernier y est primordiale. Notre folklore s'en retrouve détourné et cela nous fait perdre nos repères.
On est constamment tiraillé entre ce qu'on s'attendait à voir et ce qu'on voit réellement.

L'exemple le plus flagrant reste le fait que le mot "ange" n'est jamais utilisé dans l'anime.
Car les Ailes Grises n'ont de l'ange que les ailes et le halo. Ils sont prisonniers du sol qui les a vu naitre et liés à un inévitable destin, clairement à l'opposé des idées de liberté et de plénitude qu'ils dégagent dans la culture populaire. On assiste à une véritable démystification de leur iconographie.

Demeure aussi ce climat de mort qui les entoure. Ce sont des individus réincarnés qui subissent bien des tourments, tiraillés par leur propre existence.
Ils sont dépourvus des souvenirs de leur vie passée et ce n'est donc pas une deuxième chance qui s'offre à eux mais simplement un rêve qui commence par un nouvel éveil.

Ils se contentent de vivre innocemment, se fondant autant qu'ils peuvent dans ce nouveau monde. Une vie d'innocence pour se détourner de l'anxiété de l'existence. Et toujours une question : "Pourquoi ?"

Conclusion


Haibane Renmei est une œuvre d'auteur tel qu'on aimerait en voir plus souvent. Un concept poussé à ses limites et porté par le farouche désir de nous captiver sans pour autant nous enchanter.

Porteur de valeurs trop souvent délaissées, c'est une expérience unique en son genre qui saura vous transporter le temps d'un voyage par dessus les murs de l'existence...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Google+