vendredi 28 septembre 2012

"Le jeu, simulacre de vie"

Histoire de changer un peu de format, nous allons innover en nous intéressant ce coup-ci aux jeux vidéo mais dans un esprit plus théorique.
Il sera d'ailleurs davantage de philosophie que de game design. Et si je revendique ma passion pour ce dernier, je n'ai pas la prétention de reconnaître des aptitudes pour le premier. Nous allons donc discuter en toute modestie.

Je vais tacher à travers cet article de poser une réflexion sur l'existence et le rôle du jeu, vidéo ou pas, au sein de notre société.

Cette discussion s'intitulera : "Le jeu, simulacre de vie".

Comme à notre habitude nous allons suivre un plan que voici :
  1. La douleur guide l'humanité
  2. La peur de l'inconnu
  3. Un espace de vie virtuel et simplifié
  4. Le cas du sport

La douleur guide l'humanité


Depuis toujours, le modèle de vie humain a été conditionné par un principe : la recherche du bonheur. On pourrait presque dire que c'est ce qui a gouverné notre évolution.
Sceptique ? C'est ce que je vais tâcher de vous montrer dans un premier temps.

Nous allons dès à présent modéliser la Vie dans son interprétation la plus abstraite à partir de 3 critères : l'espace, les règles et l'objectif. Cela donnerait le modèle suivant :

Vie
Espace : L'univers
Règles : Aucune
Objectif : Aucun

En effet, si on considère la vie dans sa forme la plus primaire, vivre se résumerait seulement à exister, à "être là". Il n'y a ni objectif, ni règles.
D'où la fameuse interrogation : "Quel est le sens de la vie ?"

... où allume ton iPhone et demande à Siri.

Le bonheur est un principe bien abstrait car il est en fait défini comme l'inverse du malheur.
Trouver le bonheur, c'est avant tout ne pas connaître la douleur, qu'elle soit physique ou mentale. La recherche du bonheur correspond donc plutôt à un rejet de la douleur.

Et c'est cette douleur qui a justement gouverné notre évolution. Car c'est sous ses formes physiques que sont les blessures ou la faim qu'elle a contribué à modéliser une nouvelle couche de la vie : la survie.

Survie
Espace : Monde connu
Règles : Se défendre, manger
Objectif : Ne pas mourir (et donc ne pas souffrir)

Nous retrouvons là un comportement animal. Tout être capable de ressentir et de comprendre la douleur en arrive à ce stade. Voulant à tout prix éviter toute souffrance physique, l'animal a adopté un comportement protecteur vis-à-vis de sa propre personne.

Et l'homme dans tout ça ? Ce dernier a évolué plus que ses congénères et a commencé à mieux comprendre le monde qui l'entoure. Mais cela a été à double tranchant : il a commencé à avoir peur de l'inconnu.

La peur de l'inconnu


Illustration officielle de l'anxiété
L'inconnu amène l'anxiété car l'inconnu est un monde rempli de douleurs dont on ne soupçonne peut-être même pas l'existence et donc encore moins le moyen de les éviter.
Et cet anxiété qu'est ce que c'est ? Une douleur mentale. On y reviens encore.

Pour vivre heureux, il lui faut donc deux chose : survivre et comprendre le monde qui nous entoure. Et comprendre le monde qui nous entoure, c'est la meilleur manière de survivre.

Pour cela l'homme a trouvé un moyen : créer des simulacres de vie.
L'idée est simple : si je ne peux pas redéfinir le monde qui m'entoure, je peux en créer un illusoire par dessus. Pour cela, on s'attaque aux trois critères que nous avons introduits précédemment.

On commence par réduire l'espace concerné. Un espace réduit est un espace où subsiste moins d'inconnu.
Il faut ensuite redéfinir les règles. Suivre les règles, c'est la meilleur façon d'atteindre l'objectif.
Et on finit par cibler un objectif, qui est souvent la raison de la création de ce simulacre.

Atteindre l'objectif peut susciter le bonheur car cela signifie être arrivé au bout du système. À l'opposé de la vie, l'objectif n'est pas à "repousser" mais à atteindre.

L'homme a ainsi commencé à créer intuitivement des systèmes imitant la vie. Il a appris au fur et à mesure à diminuer sa vulnérabilité à la douleur.

Voici quelques concepts connus mis en place par l'homme :

Sédentarisation
Espace : La Cité
Règles : Cohabitation et entraide avec ses voisins
Objectif : Besoins vitaux plus accessibles et protection renforcée

Société
Espace : Monde civilisé
Règles : Code de conduite
Objectif : Relations entre humains moins complexes

Religion
Espace : Monde religieux
Règles : Faire les rituels, respecter les lois religieuses
Objectif : Être jugé positivement par son ordre, obtenir une vie et une après-vie heureuses

(Remarque : l'aprés-vie est un total inconnu et donc l'une des plus grandes sources d'anxiété : la peur de la mort.)

Bien sûr ce n'est pas aussi simple. Ces modèles sont parfois inter-liés, coexistent ou s'imbriquent. Et puis s'il suffisait de modéliser ainsi la psychologie humaine, on aurait depuis bien longtemps atteint la plénitude spirituelle.

Ainsi, si le modèle de la survie découlait de douleurs concrètes, tout les modèles que nos avons créés découleraient de notre peur de l'inconnu et de l'anxiété occasionnée.

Un espace de vie virtuel et simplifié


Si vous vous demandez encore à ce stade quel est le rapport entre notre sujet et les deux premières sections, portez votre attention sur notre modélisation. Cela ne vous rappelle rien ?

Eh oui, nous sommes en présence de la structure même d'un jeu : espace, règles et objectifs. Cependant, il ne s'agit pas ici de simplifier le monde mais de le remplacer.
Étudions l'une après l'autre chacune de ses composantes.

Jeu
Espace : Environnement ludique
Règles : Règles du jeu
Objectif : Gagner ou atteindre la finalité

L'espace tout d'abord.
C'est une notion primordiale du jeu. Il peut prendre principalement deux formes :
  • un espace à coordonnées en 1,2 ou 3D (monopoly, échecs, jeux vidéo) 
  • un espace abstrait (esprit du joueur).
Ces espaces prennent donc place dans notre monde et se substituent à lui pour le temps de la partie. L'espace à coordonnées simplifie notre contexte spatial et en simplifie les lois physiques. Toute notre attention est tournée vers l'espace de jeu qui constitue à ce moment-là notre espace de vie.
On peut bien sûr s'en détacher mais vous serez forcé de constater qu'on est irrémédiablement plongé ponctuellement dans la partie à un moment ou à un autre.

Les espaces abstraits concernent des jeux qui n'ont aucune consistance physique. On peut citer le jeu du "Devine à qui je pense ?". L'espace ici correspond plus à l'esprit des joueurs

Une telle réduction de notre espace vital réduit considérablement notre travail de modélisation et donc notre appréciation du monde extérieur
La situation spatiale nous est beaucoup plus abordable. Le monde extérieur influe seulement de façon réduite sur l'espace de jeu et donc moins de place est laissé à l'aléatoire et à l'inconnu.

Quoi de plus beau qu'une partie de go avec du matériel hors de prix ?

Parlons des règles à présent.
Elles sont là pour nous guider et donner un sens à nos actions. Là encore il s'agit en quelque sorte de réduire notre "espace" en décomplexifiant le contexte de vie.
Elle laisse elles aussi moins de place à l'aléatoire et au hasard. Le sentiment de stabilité et de contrôle que l'on ne peut avoir dans la vie de tout les jours est alors très apprécié.
On peut constater ainsi que des jeux comme le jeu de go qui laisse une grande liberté tactique sont assez anxiogènes, surtout pour le joueur débutant.
Elles en viennent aussi parfois à remplacer les lois. En témoigne la violence dans le sport, dont nous allons parler dans la prochaine partie.

Pour finir, traitons l'objectif. Comme dans les précédentes modélisations, il s'agit souvent d'un but à atteindre, ce qui inclut une finalité. Gagner la partie, c'est en quelque sorte réussir sa vie de joueur.
La satisfaction d'être parvenu à se sortir d'une problématique donnée et d'avoir atteint le but fixé donne un sentiment d'accomplissement très euphorisant. Ce sentiment fort est possible car il agit à l'opposé de notre condition humaine, du peu de contrôle que nous avons sur notre vie et de irrémédiabilité de la mort.

Le cas du sport


Le modèle sportif est intéressant à étudier car il va plus loin. Il prolonge le modèle du jeu à un degré plus fort dans la vie de la personne.
Modélisons et étayons ensuite :

Sport
Espace : Monde sportif
Règles : Entrainement, engagement, règles sportives
Objectif : Devenir le meilleur

Les sports sont ainsi des jeux qui s'intègrent à la vie de tous les jours. De par l'importance qu'il a dans nos sociétés modernes, ce modèle de vie est considéré comme un travail à part entière.
Cependant, il reste une modélisation de vie bien plus attrayante. En effet, bien souvent le travail n'est considéré que comme une nécessité à la survie en société alors que le sport vise plutôt à dédier sa vie à un rêve. Une vie de sportif offre ainsi bien plus de sensations fortes.

De la même façon, les spectateurs éprouvent souvent de l'empathie pour les athlètes. Le spectacle sportif fait figure de théâtre de la vie, où les travailleurs sont justement récompensés.
C'est pour toutes ces raisons que la vie de sportif est si enviée.

Bientôt sur iOS et Android !

Conclusion


Le jeu constitue donc un échappatoire aux inconnues de la vie. Le terme de "simulacre" me parait ainsi bien s'accoler à cette vision : le jeu n'est en fait qu'une pâle copie de la vie, simplifiée et dénuée d'anxiété "négative".

Il permet de créer une infinité de situations qui seront autant d'enseignements de la vie, nous confrontant à des émotions fortes.
En ce sens, il constitue un excellent divertissement, qui nous permet de nous éloigner de nos tracas de la vie quotidienne, voir de nous détourner quelques instants de notre destinée.

Ne parle t-on pas d'ailleurs de "divertir" quelqu'un lorsqu'il s'agit de l'éloigner d'un sujet sensible ?

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